samedi 6 décembre 2008

La ville, espace de démocratie et volontarisme

La ville se pense aujourd’hui aussi comme un formidable dispensateur de services devant s’adapter au mieux aux modes de vie des uns et des autres. La ville n’est pas la simple organisation de l’habitat et des transports mais bien une plateforme polymorphe pour répondre à la diversité des façons de vivre.
Avec le rallongement probable de vie de travail et l’allongement de la vie, les collectivités devront fournir de plus en plus de services et d’infrastructures pour faciliter la vie dans la Cité au travail (aide à la recherche de solutions de gardes pour les jeunes enfants ou les personnes fragilisées, démarches administratives...). Il importe aussi que les territoires puissent prévoir les conséquences du changement démographique et de la diversité croissante des nouvelles attentes des personnes concernées. Les schémas gérontologiques, sont un exemple de cette volonté de bâtir des politiques volontaristes en fonction d’objectifs construits par le consensus de la société civile. Ils montrent l’importance sont des outils d’entraînement et de globalisation des moyens et des perspectives. Ils sont essentiels pour tenter d’adapter en amont les infrastructures et les formes de la ville à la l’évolution de la société et de la démographie vieillissement. Il est aussi vital de penser la ville et son espace comme des lieux de croisements et de rencontre mais aussi comme des sphères permettant l’évitement, les rythmes différents, les moments d’intimité et de recul.
De plus en plus d’acteurs entendent prendre en compte la globalité des enjeux et les nécessités de l’accompagnement des publics sous toutes ses formes. Il s’agit bien de prévoir, d’anticiper et d’inscrire la réalité de l’allongement de la vie, les effets des mutations de la famille ou l’impact de la précarisation croissante d’une large part des salariés, dans le cadre d’une politique globale des territoires.
Signalons aussi le rôle dans la construction du consensus et dans la prise de conscience des enjeux socio-démographique que peut tenir le Conseil économique et social de Région dans cette optique de mobilisation des intelligences pour adapter le territoire à la réalité démographique dans sa diversité. Il n’est pas inintéressant de voir que des villes comme Metz mettent en place un Conseil Economique et Social au niveau de la ville pour là aussi permettre l’expression et le travail en commun d’acteurs représentatifs de la société civile au niveau du local. Rajoutons que l’outil de coopération locale qu’est le SCOT (Schéma de cohérence territorial) en ce qu’il intervient au niveau du bassin de vie et qu’il cherche à traiter aussi bien les transports que le cadre de vie, apparaît comme un moyen intéressant et bien situé pour améliorer le lien entre dynamique des territoires et changement de modes de vie.


Serge Guérin

lundi 10 novembre 2008

La protection sociale au temps de l’individu

Honneth a montré combien cette notion de reconnaissance était centrale dans la construction de l’identité de soi mais aussi d’un projet collectif (La société du mépris, La Découverte).
En fait individualisation rime avec besoin de reconnaissance et refus du mépris.
Dans cette optique, il est essentiel de renouveler le lien entre emploi et protection sociale. Pourquoi ne pas inventer un contrat de travail associé au salarié plutôt qu’à l’entreprise ? Il s’agirait d’assurer la permanence d’une protection sociale, de droits à se former et de revenu pour des personnes qui ne peuvent ou ne veulent pas nécessairement obtenir un emploi en continue. Cela concerne aussi bien les métiers artistiques que les seniors ou les nouveaux parents désireux d'organiser autrement leur temps social. Cette approche favoriserait aussi l’activité de salariés dans le monde associatif ou dans un bassin d’activité en étant employés par plusieurs petites entreprises. Ce système évitant aux employeurs comme aux salariés de multiplier les contraintes administratives et les freins liés à la méconnaissance des formes d’emploi non standardisés. A partir de la situation des intermittents du spectacle et des revendications pour conserver un système adapté à une situation singulière, les économistes Antonella Corsani et Maurizio Lazzarato ont pour leur part développé, dans un ouvrage passionnant, solide et construit sur une enquête sociologique de fond, un modèle de régime d’indemnisation utilisable pour des actifs en emploi non stable (Intermittents et précaires, Amsterdam). Leur réflexion, à discuter car parfois un peu rigide, rejoint les travaux de Gorz et ouvre des pistes qui font écho à une autre approche de la société de l'individuation.
En fait, c’est la question d’un nouveau compromis social plus favorable au travail et qui prenne la mesure de la plasticité croissante des formes d’emplois et d’activité qui est posé.
Il faut inventer de nouvelles formes de salariat pour répondre aux défis de la société de l’individu. Une société qui n'est pas nécessairement seulement ouverte aux vents de l'égoïsme.

Serge Guérin

vendredi 24 octobre 2008

Vers un capitalisme au féminin

Le travail des femmes fut le marqueur de la seconde moitié du XXème siècle. L’emploi féminin a transformé les usages sociaux, produisant une nouvelle répartition des temps domestiques et professionnels avec l’appel croissant à des professionnels rémunérés ou des structures de services pour la garde d’enfants ou différents travaux ménagers.
Surtout les femmes sont devenues des acteurs bien plus autonomes financièrement et culturellement pour décider de leur vie personnelle. Les études et l'activité professionnelle ont ouvert aussi un espace bien plus large de possibles, de libertés culturelles et de "choix" de partenaires potentiels. Les femmes font de plus en plus des enfants selon leur agenda propre où la problématique professionnelle entre largement en ligne de compte. Ainsi l'âge moyen du premier enfant est-il proche de 30 ans. En termes de prospective sociale, dans les années à venir, la consommation sera de plus en plus co-produite par les femmes pour elles ou pour leurs proches. Mais cette consommation ne va pas seulement concerner des biens et des services traditionnels. Elles vont orienter les formes des produits comme les façons de les vendres. Surtout la demande sociale concernera de plus en plus des produits et des services permettant le respect de l'environnement, le développement de sa propre autonomie et la prise en compte de l'autre, enfant comme parent vieillissant.
On peut prévoir que d'ici à 2025, les femmes feront des enfants de plus en plus tard ou n'hésiteront pas à adopter y compris après 40 ans, contraignant les entreprises comme l'Etat à s'adapter.
L'avenir du capitalisme devrait se conjuguer au féminin.

Serge Guérin
On peut aussi retrouver des contributions de prospective sociale sur le site France2025

mercredi 3 septembre 2008

La flexicurité, comme socle évolutif d’une société de la solidarité de proximité

Adopté en décembre 2007 par le Conseil Européen, la notion de flexicurité progresse rapidement dans le débat français. Elle est au centre de l’accord national interprofessionnel signé le 11 janvier 2008 par l’ensemble des partenaires sociaux à l’exception de la CGT.
La flexicurité repose sur quatre axes (contrat de travail, formation, politiques de l’emploi et protection sociale) destiné à favoriser l’adaptation des entreprises à un marché de plus en plus mouvant sans précariser à outrance les salariés. La flexicurité entend inventer un nouveau modèle où la souplesse croissante du contrat de travail serait contrebalancée par un engagement solide en faveur de l’accompagnement social et économique des salariés sur la durée. Cette nouvelle donne implique très clairement de changer de paradigme tant la question de la formation (fin du « totem » du diplôme et possibilité de se former en fonction de son bagage de départ et à partir d’un projet professionnel ou de vie) que sur celle de la relation à l’employeur (capitalisation des périodes et des formes d’activités qu’elles soient salariés ou non ouvrant droit à l’ensemble des prestations sociales).
Mais cette approche qui touche d’abord aux représentations du travail et de la relation hiérarchique, se développe dans une perspective de vieillissement de la population, d’allongement de l’espérance de vie des personnes atteintes de maladies chroniques et de mobilité sociale et professionnelle croissante. Aussi, l’enjeu de la flexicurité dépasse largement le cadre actuel. Elle concerne aussi bien la question du logement que celle du soutien aux aidants de proximité.
En effet l’un des éléments qui contribue à précariser l’employé tient à son accès de plus en plus difficile au logement, en termes de prix et de localisation. Par ailleurs, le différentiel de coût d’un logement participe des freins à la mobilité des salariés.
Sur un autre plan, il apparaît bien que l’entreprise et la collectivité peuvent difficilement faire comme si de nombreux salariés et autres actifs n’avaient pas de parents vieillissants à aider, d’enfants, de compagnon ou de compagne malade chronique à soutenir. Les styles de vie et les contraintes sociales de proximité jouent directement sur la disponibilité des personnes et sur leur engagement. La question de la conciliation vie privée et vie professionnelle est, et sera de plus en plus, un élément déterminant de la relation des individus à l’entreprise.
La flexicurité s’inscrit largement dans cette société de la solidarité de proximité qui devrait émerger dans les années qui viennent et qui va renouveler le contrat social initié dans les années 45.

Serge Guérin

mardi 19 août 2008

Fin du pétrole et société de la frugalité douce

Selon les prospectives les plus récentes, les réserves de pétrole ne devraient assurer que 50 ans d’autonomie. Méfions-nous toujours des prophéties et notons que plus le prix du pétrole est élevé et plus les recherches et les applications de dérivés deviennent intéressantes, motivantes puisque rentables. Cela peut faire changer beaucoup de choses !
Reste que, il nous faudra apprendre à vivre autrement.
Dans un pays moderne, où l’information s’est largement démocratisée, la confiance entre décideurs et citoyens est essentielle au maintien du pacte social. Des efforts peuvent être demandés si chacun à l’impression d’une relative équité. Rawls l’a bien démontré en son temps. Tocqueville le premier a mis en exergue la volonté de chacun d’être aussi égal que l’autre. Or, aujourd’hui chacun croit connaître les privilèges – ou considérés comme tel- des autres et chacun pense que c’est à l’autre de faire des efforts.
Tout cela est assez normal… Sauf que ceux qui ont la charge de demander der efforts, que cela soit dans le champ du politique comme dans celui de l’économique, sont aussi sous la lumière. Le fait que l’individu lambda puisse connaître, ou croire connaître, leurs revenus, stock option et autres arrangements vient entamer la confiance et rendre inaudible un discours sur l’effort et la patience.
Dans une démocratie d’opinion, l’exemple est vertu. JF Lyotard, (La condition post-moderne, Minuit) avait montré la perte de légitimité des grands récits, pour autant le récit individuel devient témoignage et preuve d’engagement dans l’action. Il contribue à sa légitimité.
Nous entrons à reculons dans une société de la frugalité douce. Cela nécessite d’inventer un autre paradigme et d’autres valeurs. La nécessité d’aller vers une société de la frugalité qu’Hans Jonas avait déjà annoncé dès 1979 (Le Principe responsabilité, Flammarion), vient en contradiction fracassante avec les images et l’idéologie véhiculées par les médias et en particulier la télévision. La hausse du pétrole va nous contraindre à changer mais pour cela un immense travail de pédagogie et de médiatisation sera nécessaire pour faire évoluer nos représentations.


Serge Guérin

dimanche 6 juillet 2008

La guerre des capitalismes aura (bien) lieu

L’ensemble des acteurs sociaux doivent apprendre à conjuguer le nouveau capitalisme. C’est le thème de l’excellent ouvrage dirigé par Jean-Hervé Lorenzi, La guerre des capitalismes aura lieu (Perrin). Pour les auteurs du Cercle des Economistes, la mondialisation n’a pas unifié le monde mais permis l’émergence de plusieurs formes de capitalismes dont les antagonismes sont cruciaux. En son temps Michel Albert avait montré l’opposition entre les capitalisme rhénan et anglosaxon, C’est le second qui après la chute du mur de Berlin semblait avoir gagné la partie.
Aujourd’hui, les auteurs mettent en avant un affrontement plus lourd entre différentes formes de capitalismes. Si le capitalisme anglosaxon est un vainqueur en trompe l’œil, comme l’explique Hubert Vedrine, il fait face à une forme rénovée et diablement puissante d’alliance entre un entreprenariat débridé soutenu par un Etat fort ,dirigiste et capable de contenir, si besoin par la force, les revendications sociale. La distinction fondatrice tient aux modes de régulations internes à ces capitalismes et aux rapports de force entre les acteurs de ces économies-monde, pour reprendre le terme de Braudel. La question du pouvoir financier, des modes de sa régulation et du poids nouveau des fonds souverains sont mises en perspective. Il y a des oppositions d’intérêt qui sont facteurs de désorganisations dangereuses pour les équilibres sociaux et pour la légitimité des Etats.
L’un des passages les plus passionnants de ce livre dense mais très accessible réside dans le chapitre sur « eau, pétrole, capital humain ». Pour les auteurs, le pouvoir est là. Surtout, l’affrontement autour des sources d’énergie renouvelle le rapport à la rareté. Il y a une « rareté cumulative » où la situation dépend de la politique collective menée par les Etats. A l’inverse, la « rareté concurrentielle » qui pousse individus ou Etats à s’organiser pour remédier à cette dépendance en s’assurant, d’une façon ou d’une autre, l’accès à ces réserves. La rareté e n’est pas seulement liée à des considérations physiques mais à des modes d’organisation de la société, à des choix en amont, ou encore au manque de politique de prévention.
Pour les auteurs, il est impératif de bâtir de nouvelles institutions de régulation à la fois représentatives et en position d’imposer des règles communes minimales (p 12). Le chapitre VIII est, de ce point de vue, très éclairant.
La mondialisation ne nous offre pas un monde pacifié et tourné vers le progrès et le respect de l’humain. Elle ouvre plutôt une période de grande incertitude dont le modèle européen risque d’être la victime.

Serge Guérin

samedi 21 juin 2008

La société de la tendance

D’où viennent nos opinions, et nos choix ? Ceux qui développement une vision policière de l’histoire et imaginent que nous sommes instrumentalisés par des puissances sournoises et secrètes s’opposent à ceux qui veulent croire à l’indépendance totale de l’individu mu par la seule boussole de la recherche d’une maximisation totale de l’intérêt personnel.
Dans une remarquable synthèse, Sociologie des tendances (Que sais-je ?PUF), Guillaume Erner interroge la naissance et le développement des modes et des tendances qui se succèdent à un rythme toujours plus rapide. Erner déconstruit les discours trop mécanistes plaçant publicité (Barthes) ou processus de domination (Bourdieu) comme ordonnateur des tendances et des modes. Erner montre combien les tendances ont pris le pas sur les normes : la société s’atomise et les tendances s’individualisent. Le succès des modes vient d’une conjonction d’influences : besoin de nouveautés (Campbell), effets mimétiques (Veblen), charisme des acteurs (Weber), puissance de la symbolique (Baudrillard)... Cette diversité de causes explique que pour Erner, les tendances restent pour une part non-prédictibles.
L’interrogation sur les tendances pose aussi la question de l’opinion. Pour Julliard (La Reine du monde, Flammarion), c’est elle qui aujourd’hui gouverne. Si Tocqueville s’inquiétait de ce totalitarisme consensuel, Julliard y voit la manifestation d’une nouvelle étape de la démocratie. Merton prenait en compte la puissance de la croyance collective : si nous croyons qu’un objet sera à la mode, il le deviendra.
Finalement Erner rejoint Godelier, qui vient de publier Au fondement des sociétés humaines (Albin Michel) : les humains à la différence des autres espèces ne se contentent pas de vivre en société, ils produisent de la société. À travers nos actions, nous cherchons l’impossible équilibre entre distinction ET appartenance.

Serge Guérin (chronique publiée dans la revue Dirigeants)

mardi 13 mai 2008

Déficit de confiance, déficit d’avenir

Ce qui mine le plus la France, ce n’est pas sa culture du conservatisme ni son incapacité à se réformer dans le consensus. Non l’enjeu central c’est la confiance. Confiance à la baisse pour un modèle et un mode de vie qui a pourtant fait ses preuves et assuré –quoi que l’on dise- que la majorité des français et des étrangers résidents en France puisse vivre dans de bonne condition. Confiance en berne pour un avenir qui apparaît de plus en plus perturbé. Aron nous a répété que l’histoire était tragique mais nous rêvons collectivement de nous affranchir des secousses du monde. Or, cela apparaît chaque jour un peu moins possible car la mondialisation n’est pas seulement affaire de concurrences mais aussi d’affrontements idéologiques et violents.
Dans un pays moderne, où l’information s’est largement démocratisée, la confiance entre décideurs et citoyens est essentielle au maintien du pacte social. Des efforts peuvent être demandés si chacun à l’impression d’une relative équité. Rawls l’a bien démontré en son temps. Tocqueville le premier a mis en exergue la volonté de chacun d’être aussi égal que l’autre. Or, aujourd’hui chacun croit connaître les privilèges – ou considérés comme tel- des autres et chacun pense que c’est à l’autre de faire des efforts.
Tout cela est assez normal… Sauf que ceux qui ont la charge de demander der efforts, que cela soit dans le champ du politique comme dans celui de l’économique, sont aussi sous la lumière. Le fait que l’individu lambda puisse connaître, ou croire connaître, leurs revenus, stock option et autres arrangements vient entamer la confiance et rendre inaudible un discours sur l’effort et la patience.
Dans une démocratie d’opinion, l’exemple et vertu. JF Lyotard, (La condition post-moderne, Minuit) avait montré la perte de légitimité des grands récits, pour autant le récit individuel devient témoignage et preuve d’engagement dans l’action. Il contribue à sa légitimité.


Serge Guérin

samedi 19 avril 2008

Les boomers bohêmes

Les années 2000 voient apparaître une nouvelles catégorie sociologiques : les boomers bohêmes ou Boobos, sujet que nous avons abordé récemment sur la chaîne Vivolta. Ces derniers personnalisent une double évolution sociologique et démographique.
Sur le plan sociologiques, une large partie des plus de 50 ans ne se reconnaissent plus dans la figure traditionnelle du senior qui avec l'âge tant à se mettre à l'écart de la société. Les Boobos sont nés avec la société de consommation qui a produit aussi une société de l'image et de l'individualisme croissant. Les nouveaux seniors participent de la modernité et de la société contemporaine. Ils se comportent non pas en fonction de leur âge mais en vertu de leur style de vie et de leurs contraintes quotidiennes. Ainsi un sexagénaire actif ayant un enfant scolarisé à l'école primaire aura plus de points communs avec un trentenaire dans la même situation qu'avec un retraité n'ayant plus d'enfants sous son toit.
Sur le plan démographique, il faut souligner que ces nouveau seniors représentent 8 à 9 millions de personnes en France. 

Serge Guérin

vendredi 28 mars 2008

Retour sur la solidarité ?

Si l’égalité est un mirage, la fraternité est une morale. La réunion des deux se nomme-t-elle solidarité ? Patrick Savidan, dans Repenser l’égalité des chances (Grasset), propose une nouvelle politique de l’égalité des chances fondée sur des mesures fiscales et éducatives tout au long de la vie .
La solidarité n’est rien si elle reste une formule creuse pour fin de congrès. Elle repose sur le lien et la coopération mutuelle au bénéfice de tous. La solidarité nous renvois d’abord à la non-indifférence qui est la proximité même du prochain, dont parle Lévinas. Deux ouvrages ont récemment ré-interrogés cette notion moderne et nécessaire pour assurer le vivre ensemble dans une période de déstructuration des liens et des statuts. Marie-Claude Blais, dans La solidarité, Histoire d’une idée (Gallimard) revient sur le sens du terme Solidarité. Terme magnifique dont on oublie facilement qu’il nous impose des contreparties... La solidarité fonde la démocratie en créant des mécanismes qui viennent en soutien des plus faibles et qui assurent le vivre ensemble : retraite par répartition, sécurité sociale… Biais met en perspective avec beaucoup de clarté les enjeux de l’économie fondée sur la coopération dont Charles Gide apparaît commel’un des grands théoriciens. Le solidarisme se distingue du libéralisme en ce qu’il se refuse à confonde individualité et individualisme (p 196).
Pour comprendre les racines et les enjeux du solidarisme, l’ouvrage de Serge Audier sur Léon Bourgeois (Ed Michalon), est un passage essentiel. Audier décrypte d’une écriture allègre les combats de ce radical qui cherchait à bâtir la justice sociale sur autre chose qu’un Etat trop interventionniste. En refermant ce petit ouvrage, on se dit que Bourgeois faisait déjà pari du dialogue et de ma recherche du consensus. Une sorte de Danois qui s’ignore.

Serge Guérin

mardi 11 mars 2008

Retour sur les municipales et l'échec des "peoples"

Au-delà des résultats conjoncturels sur les municipales, il me semble que du point de vue de la relation du citoyen à la Cité, l'échec général des parachutés et autre people, puisse assez facilement s'expliquer :



1 Les municipales sont par essence les élections de la proximité et du lien d'usage. On vote d'abord pour celui qui prendra en charge le quotidien, y compris le ramassage des poubelles ou la bonne administration de la voirie. Comment croire que telle ou telle personnalité "vue à la télévision" puisse être crédible dans ce rôle ?

2 Dans le même registre, on notera que la crédibilité se construit en grande partie sur le partage symbolique d'un territoire commun. Autant un élu national peut vivre dans un autre cadre que le citoyen, autant l'élu municipal se doit de partager et de connaître les réalités de l'aire culturelle et géographique des votants. C'est ce qu'a compris un Juppé et ce qui explique en partie l'échec d'un Cavada.

3 Enfin, l'échec d'un grand nombre de personnalités s'explique par une sorte retour du refoulé de l'électeur qui fini par se sentir solidaire de l'élu terne de terrain par rapport au candidat brillant de l'image.

En ce sens, les municpales signent bien un phénomène national !

Serge Guérin

mercredi 5 mars 2008

La presse a de l'avenir

Le lancement de magazines comme XXI ou Autrement montre bien que le devenir de la presse ne s'inscrit pas seulement dans la logique de la gratuité.
Le succès de titres comme 20 Minutes ou Metro s'explique largement par la conjonction d'une tendance longue avec l'échec d'un modèle.
La tendance longue, c'est la culture de l'info gratuite : radio, TV et internet se sont inscrits dans cette approche qui conduit à faire payer en différé - par la pub- le prix de l'info.
L'échec d'un modèle c'est celui de quotidiens qui finissent par se trouver en décalage permanent avec la diversités des réalités vécues par les lecteurs potentiels.

Il me semble que la presse payante n'a que deux grandes perspectives devant-elle :

- Refaire du contenu à fort impact. C'est la démarche - réussie- de XXI mais aussi de nombreux magazines aux approches et ciblages très divers.

- Privilégier un journalisme de combat et d'opinion en rupture avec la volonté de ratisser large pour séduire les annonceurs, en évitant les prises de position trop clivantes. Marianne, Charlie-Hebdo ou Valeures Actuelles développent ce type d'approche.

Les médias affrontent une situation totalement nouvelle et destabilisante : ils ont perdu le monopole de la diffusion légitime de l'information.

Serge Guérin

dimanche 17 février 2008

Vive les vieux !

Notre société a bien du mal à sortir du jeunisme et à prendre en compte la demande sociale des plus âgés d'entre nous. C'est pour cela que j'ai cru utile de publier Vive les vieux ! aux éditions Michalon. 

Il s'agit à la fois de rappeler l'importance du fait senior aujourd'hui, de montrer que la notion d'âge ne recouvre plus les même réalités qu'il y a 20 ou 30 ans et que les attentes des 20 millions de seniors, dont 13 millions de plus de 60 ans et 5 millions de plus de 75 ans doivent être prises en compte.
Surtout, je crois nécessaire de mettre en avant que le vieillissement est autant une bonne nouvelle individuelle qu'une opportunité collective.
Vive les vieux ! n'a pas d'autres objectifs....

Serge Guérin 

lundi 11 février 2008

La communication comme non-évidence

La lecture du Dictionnaire d’initiation à l’info-com, qui doit sortir ces prochains jours chez Vuibert, ouvre des pistes de réflexion.
Le propre d’un dictionnaire c’est de prendre le risque du choix et par là-même de la subjectivité. Ce type d’ouvrage permet aussi au lecteur de faire ses choix, de construire son parcours, d’avoir une lecture autonome et évolutive.
Mais, avec un dictionnaire, le lecteur regarde d’abord les entrées et les termes qui manquent.
Ce dictionnaire propose un parcours assez classique dans le choix des thèmes et se distingue dans le type de références. Les auteurs mobilisent, par exemple, Arlette Farge pour analyser le thème de la rumeur.
La vision globale se place surtout du côté de l’émetteur et des supports de communication, plutôt que du côté du public, même si l’entrée existe (p 267). Très logiquement, les deux auteurs (Laurence Corroy et Jacques Gonnet) s’intéressent de ce fait fortement aux questions liées à la manipulation de l’information.
De la même façon, ils sont très sensibles à l’enjeu de l’éducation aux médias qui leur apparaît comme un moyen central de développer l’esprit critique. Peut-être faudrait-il parler plus largement d’éducation critique aux discours médiatiques, politiques et idéologiques ? Mais l’enjeu ne serait-il pas d’apprendre à ne pas chercher de réponse unique, uniforme et stable ? Pour privilégier la multiplicité et la hiérarchie des points de vue.
Mais en refermant l’ouvrage, la question demeure : en quoi la communication et l’information nous aident-elles à être plus libres et plus autonomes ? En quoi les développements de la communication ont-ils favorisé les possibilités du vivre-ensemble ?


Serge Guérin

dimanche 3 février 2008

Retour sur les propositions Attali

Les 316 propositions de la Commission Attali semblent avoir fait long feu. Il apparaît déjà qu’elles ont raté leur objectif principal : au lieu de contribuer à une prise de conscience salutaire et de dégager des chemins de réforme, elles coalisent les frilosités, les inquiétudes et les conservatismes de tout poils. Pas plus que l’on ne peut espérer changer la société par décret, pour reprendre la célèbre formule de Michel Crozier, il apparaît impossible de moderniser par le simple volontarisme d’une Commission d’experts. Lors d’un entretien, il y a quelques semaines, Michel Rocard me rappelait, à propos de la réforme des retraites, la nécessité de réaliser les réformes une par une, pour éviter justement des coalitions d’intérêts parfaitement contre-productives. C’est exactement l’erreur de la Commission Attali. Par ailleurs, on peut le regretter mais c’est ainsi, les journalistes (à quelques exceptions comme le dossier remarquable proposé par le magazine Challenges) en sont restés à des généralités et à la mise en exergue de quelques propositions sorties de leurs contextes. Ainsi de la proposition concernant les taxis parisiens traduite par les journalistes comme la décision de tripler du jour au lendemain le nombre de taxis sur Paris et de supprimer le numerus clausus qui aurait pour effet de réduire à néant l’investissement de milliers de chauffeurs de taxi . Résultat : des chauffeurs de taxi en grève et la crispation d’une profession pointée du doigt.

Pour autant, même s’il faut se garder d’un gouvernement d’experts, la remise de rapports et la constitution de commissions ne sont pas des manœuvres dilatoires ou inutiles. Elles permettent souvent de faire éclore dans l’espace public des débats nécessaires et de favoriser – progressivement- des prises de conscience.

 

Serge Guérin 

mercredi 30 janvier 2008

Le web 2.0 : ce qui fait révolution ?

La notion de transmission convient d’être interrogée sur le plan de l’effet de l’accélération de l’innovation technologique et de l’émergence de nouveaux médias, en particulier le web et ses prolongations.

L’informatique est d’abord entré dans le monde professionnel conduisant en quelques années à une mutation importante de certaines pratiques et rapports sociaux, en particulier dans les activités du tertiaire. La diffusion massive de la micro-informatique a eu pour double conséquence de supprimer des centaines de milliers d’emplois de secrétaires et de dactylos, et de conduire des cadres, y compris de niveau hiérarchique élevé à devoir gérer de façon autonome une large partie d’activité autrefois déléguées. La représentation du statut a, de ce fait, évolué, puisque l’une des attributs symboliques du pouvoir est passé du nombre d’assistantes à la qualité de l’équipement informatique et de communication. Aujourd’hui, dans l’ordre symbolique, le Blackberry a remplacé la secrétaire de direction.

La diffusion massive de l’informatique personnelle a entraîné aussi une transformation des temps sociaux. La séparation entre la sphère privée et la sphère professionnelle est plus perméable qu’auparavant, en particulier parce que les outils communicants peuvent être mobilisés indépendamment du contexte.

La question du rapport de la génération 68 à l’image et aux médias peut être posée.

La transmission du savoir ne tient plus seulement dans le sens traditionnel qui va du plus expérimenté au plus jeune. La modernité évolutive est marquée par une fluidité et une obsolescence croissante des savoirs. L’anthropologue Margaret Mead parle de « culture préfigurative » pour montrer que les adultes peuvent apprendre de leurs enfants ou de personnes plus jeunes. L’informatique et ses dérivés forment le lieu le plus symbolique de cette mutation. Au sein des familles, c’est souvent un enfant qui se transforme en Directeur des services informatiques local… De même dans l’entreprise, de jeunes embauchés peuvent être recrutés à des salaires plus élevés que des ingénieurs chevronnés en raison de leurs connaissances plus fraîches par rapport à certains logiciels.

Fondamentalement les changements dans les relations entre les générations concernent l’émergence de la notion de responsabilité intergénérationnelle et plus largement à la réciprocité entre les générations[1]. Loin des discours idéologiques sur la guerre des générations[2] pointant, à partir d’analyses de cohortes, une classe d’âge de privilégiés face à des jeunes sans avenir, la réciprocité entre les générations se relève dans le cadre des situations de famille ou du voisinage, dont Simone Pennec a mis en avant l’importance, c[3]omme dans celui de l’entreprise. Il importe de prendre la mesure de la formation d’un espace générationnel qui se construit dans un rapport au temps et doit se mesurer qu’a posteriori. Les générations ne se définissent plus nécessairement dans l’instant mais par la comparaison et dans une perspective historique.

 

Serge Guérin


[1] Attias-Donfut, Claudine, Rozenkier, Alain, et al, Les Solidarités entre générations : vieillesse, familles, État, sous la dir. de Claudine Attias-Donfut, Paris, F. Nathan, 1995. et Attias-Donfut, Claudine & Lapierre, Nicole, La famille providence, trois générations en Guadeloupe, Paris, La documentation Française,1997.

[2] Chauvel, Le destin des générations, Paris, PUF, 1998.

[3] Pennec, S. (dir.), Le Borgne-Uguen, F., collaboration Guichard-Claudic, Y., Ce que voisiner veut dire, Brest, ARS, Université de Bretagne Occidentale, Fondation de France, 2002.

dimanche 27 janvier 2008

Rapport Attali : quelle croissance ?

La commission Attali a remis son rapport et son catalogue de propositions. La question première tient à la notion de croissance. Il n’y a pas une croissance mais plusieurs formes de croissances. Avec la pression écologique et l’impact démultiplié de la société de la connaissance[1], la notion de croissance est appelée à évoluer mais pas à disparaître. Les sociétés ont besoin de perspectives pour avancer et conserver une dynamique interne.

En revanche, la croissance doit recouvrir de nouvelles notions et partir d’un calcul prenant en compte les objectifs que se donne la société. Les indices de croissance, comme tout chiffre, restent un construit social : il est donc normal d’en définir la composition et qu’elle puisse évoluer.

En soi, la croissance ne veut rien dire. Par exemple a réduction du nombre de morts sur la route contribue à diminuer le taux de croissance…

Choisir la mesure de la croissance c’est déjà indiquer la société que l’on souhaite construire collectivement.

 

Serge Guérin


[1] http://www.finances.gouv.fr/directions_services/sircom/technologies_info/immateriel/immateriel.pdf

dimanche 20 janvier 2008

Emploi des seniors : sortir de l’échec

La réforme Fillion sur les retraites de 2003 n’a pas donné les résultats à la hauteur des enjeux en ce qui concerne l’emploi des seniors. Entre 2002 et 2007, le taux d’emploi des seniors n’a augmenté que de 3 points, passant de 34,7 à 37,6% selon Eurostat. Dans la même période, l’Allemagne a vu son taux d’emploi des 55-64 ans passer de 38,9 à 48,4 %.

Le système de retraite par répartition fonctionne dès lors que les actifs sont en nombre suffisant par rapport aux retraités pour que les cotisations retraite ne soient pas trop élevées et que les pensions restent convenables. Le vieillissement de la population et l’allongement de la vie nécessitent d’ajuster les équilibres en agissant soit sur le montant des cotisations, soit sur celui des pensions ou en faisant en sorte que plus de personnes travaillent. Ce dernier facteur est le seul à s’inscrire dans une logique de progrès social,  de croissance économique et de maintien de notre système de retraite.

Le taux d’activité des seniors en France est l’un des plus bas d’Europe, il offre donc une belle marge de progression, sachant par exemple qu’en Suède, il tutoie les 70 % !

Une politique active passera par une réelle motivation des personnes à travers une majoration significative (et non cosmétique) de la retraite si la personne poursuit son activité au delà de la imite des 65 ans, la mise en oeuvre d’actions de formation y compris pour les salariés âgés, l’interdiction totale du recours à toutes formes de pré-retraites  et des actions de communication et de sensibilisation des dirigeants.

 

Serge Guérin

lundi 14 janvier 2008

Mai 68, la dernière génération ?

Le sujet « 68 » va beaucoup se vendre cette année. Nous adorons les commémorations et la distribution des bons points. Qu’est-ce qui fait génération aujourd’hui ? Cela ne peut se résumer au passage d’une classe d’âge à une autre. La diversité des identités et des situations et l’accélération de l’innovation technologique jouent un rôle central dans cette mutation.
Le mouvement de mai 68 marque sans doute la dernière révolte générationnelle de grande envergure. Au sens où cette « révolte juvénile », pour reprendre une formule d’Edgar Morin, a été menée au nom de la jeunesse et contre les générations précédentes. Il s’agissait de casser les rapports sociaux et le formalisme hérités d’un ordre ancien et vieillissant.
Les mouvements qui ont suivi ne comportaient pas cet élément classique d’opposition générationnelle. Les acteurs, après coup, en sont eux même conscients : « il s’agissait de « vivre la dernière grande expérience générationnelle qui apportait ce sentiment d’entrer dans l’histoire
[1]», explique le réalisateur Jean-Henri Roger, ancien de Mai et auteur de « Code 68 ».
Depuis, la notion de génération a pris du flou, si l’on peut dire, les émeutes urbaines de 2005 et les mouvements étudiants anti CPE ont marqué une fracture au sein des jeunes. Les émeutes ont révélé une jeunesse en rupture avec l’histoire sociale et les normes traditionnelles
[2]. Le mouvement anti CPE a traduit de façon symbolique la fracture interne au sein de cette classe d’âge : des jeunes issues de certains quartiers désocialisés sont venus affronter physiquement les étudiants dans les cortèges de manifestants.
L’épisode social de l’automne 2007 a montré une autre application de la déstructuration de la notion de génération : certains étudiants ont annoncé vouloir à rejoindre les manifestions contre la réforme des régimes spéciaux de retraite alors que, d’une certaine façon, leurs enjeux et leurs intérêts sont diamétralement opposés.
Pour autant, le fait générationnel s’il est construit sur une forte référence commune ne supprime pas les oppositions et les mémoires. Dans un article récent du Monde, George Mink
[3] parle du « très trompeur trait d’union générationnel » et cite l’exemple d’un débat organisé en Pologne entre D Cohn-Bendit, le leader étudiant de l’époque et député européen Vert, et A Madelin, ex militant d’extrême-droite et devenu chef de file des libéraux en France, pour célébrer une forme d’humanisme commun. Or, Mink signale que le romantisme générationnel a juste tenu le temps de faire la photo. Les oppositions sur le passé comme le présent restent fortes.

Serge Guérin
[1] In Télérama, n° 2898, 27 juillet 2005.
[2] Marlière, Eric, Jeunes en cité. Diversité des trajectoires ou destin commun ?, Paris, L’Harmattan, 2005
[3] In Le Monde, 4 janvier 2008

jeudi 10 janvier 2008

Hommage à Marie-Paul Kermarec, de la librairie Dialogues à Brest

Les librairies sont essentielles à la qualité de vie d’une ville. Elles façonnent et structurent de façon sereine le lien urbain. La librairie à contenu est un port pour l’intelligence.
À Brest voilà plus de 30 ans que Marie-Paul Kermarec et son frère Charles animent Dialogues. C’est une librairie qui bouge, qui produit de l’âme et qui propose des lieux de vie et d’échange.
Il faut être venu l’après-midi déambuler dans les espaces de la librairie pour saisir ce que dialoguer avec les livres veut dire, pour comprendre que la lecture est d’abord plaisir de la découverte, de l’intelligence et de la curiosité.
Tout est fait pour que le lecteur-visiteur se sente en confiance et en harmonie avec les livres. On peut s’asseoir et lire tant que l’on veut, boire un verre, regarder les expos de photos… Bref, un lieu fabuleux et évolutif qui permet d’oublier les contraintes de la ville, les orages extérieurs ou de prendre son temps avant d’aller faire une visite chez Histoire de Chocolat, autre espace magique.

Marie-Paul Kermarec est morte fin décembre. Elle était l’âme des lieux, celle qui donnait des conseils, accompagnait le parcours livresque de centaines d’aficionados de la librairie. Ses obsèques, au moment des fêtes de Noël, furent un vrai moment de partage dans la ville. Il fallait entendre les témoignages de clients se rappelant que Marie-Paul Kermarec leur avait fait découvrir tel ou tel auteur, mais surtout les avait écoutés pour les éclairer sur des choix de livres, qui sont aussi des choix de vie.
Je ne viens jamais à Brest sans passer par Dialogues pour sentir les nouveautés et voir ce que l’équipe de Marie-Paul Kermarec mettait en avant, ni sans faire une cure de jouvence aux Enfants de Dialogues. La vie continue, les livres aussi.
Le monde serait beaucoup plus joli et vivable s’il y avait quelques milliers de Marie-Paul Kermarec supplémentaires.
Bon courage Charles.

Serge Guérin

lundi 7 janvier 2008

Le retour de la TVA Sociale ?

La question de la TVA sociale refait surface. Il semble qu’Eric Besson, le Secrétaire d’Etat à la prospective, fasse travailler ses équipes sur le sujet. C’est une bonne chose. Certes, le mot fait peur et porte une charge symbolique forte, pour autant, il serait bon de laisser de côté le regard idéologique pour simplement tenter de décrypter ses apports.
D’abord, la TVA sociale n’est pas une formule magique permettant d’accroître les ressources de la collectivité sans que personne n’acquitte une contrepartie… Il s’agit bel et bien d’un impôt qui concerne l’ensemble des consommateurs. Il n’est pas redistributif mais plus l’achat est élevé et plus la taxe est lourde.
Son principal atout provient que la ponction fiscale se réalise en amont de la production. Comme l’a souligné un rapport du Conseil Economique et Social à la fin 2007, il paraît plus efficace de réaliser les prélèvement en aval de la production. Il y a une certaine logique à taxer la production et la consommation plutôt que le travail et le capital. En fait, il s’agit aussi de ne pas handicaper ceux qui créent des emplois en taxant la production et non ceux qui produisent. L’exemple du Danemark montre que la TVA sociale n’entraîne pas de hausse des prix et autorise l’élargissement de la taxation aux produits importés dégageant ainsi de nouveaux financements sans peser sur la consommation des plus modestes.

Serge Guérin

vendredi 4 janvier 2008

Pour une politique active de la gestion des âges dans l’entreprise

Après plus de 30 ans de culture de la pré-retraite, on passe doucement d’une approche centrée sur la retraite et la gestion des seniors à une politique de l’emploi des seniors et de la gestion des âges. Quelques initiatives d’entreprises s’engagent progressivement dans cette nécessaire révolution culturelle qui doit remplacer la néfaste gestion par l’âge au profit de la prise en compte des âges.
Pourtant, bien que l’environnement institutionnel ait évolué et que des initiatives positives fleurissent ici et là, fondamentalement rien n’a vraiment changé dans le royaume de France : le taux d’activité des 55-64 ans est passé en France de 34 à 37 %.
La force des habitudes, le poids des stéréotypes, l’impact sur les salariés comme sur les employeurs de 30 ans de culture des pré-retraites, les réalités de l’emploi… se conjuguent pour ralentir le nécessaire mouvement de la dynamique intergénérationnelle.
Les représentations restent incroyablement négatives vis-à-vis de l’âge. D’autant plus que ceux qui devraient aiguiller l’intelligence sociale, préfèrent poursuivre le travail de sape et jouer sur les peurs et les incompréhensions entre générations.
Ces essayistes, bien installés dans leurs certitudes confortables et leurs représentations, à la recherche de succès de librairie faciles mettent en avant l’opposition entre les générations, font peser le poids de leur démission sur les épaules des plus âgés et renforcent encore les stéréotypes attachés au plus de 50 ans.
Ils ont tôt fait d’oublier les ravages d’une mise à la retraite sans préalable et sans ménagement, la difficulté de vivre sa prise d’âge dans une société qui ne jure que par le jeunisme (tout en se méfiant d’une partie de ces jeunes), les difficultés financières et sociales vécues par de nombreux seniors et personnes âgées... Ces auteurs qui se bercent de chiffres et de statistiques, ne savent pas que les réalités sont bien plus nuancées. Dans les entreprises, bien des jeunes regardent leurs aînés en pensant à leur père sans emploi et inversement bien des seniors ne peuvent oublier la situation difficile de leurs enfants lorsqu’ils coopèrent avec de jeunes collègues. Les uns et les autres démontrent ainsi que l’intergénération fonctionne mieux que l’on ne le dit.
N’embaucher que des jeunes, c’est une fois de plus, ne pas répondre à la diversité démographique du pays et de la clientèle et c’est prendre les mêmes risques de rupture de la chaîne générationnelle, en s’exposant aux mêmes déconvenues 30 ans plus tard. Rappelons aussi que la proportion des actifs ayant plus de 55 ans à dépassé les 10 %, contre moins de 7 %,il y a seulement dix ans. Avec la réduction des mesures d’âge et l’impact démographique, cette proportion devrait s’accroître fortement dans les années à venir.
Le retournement démographique a commencé et ses conséquences se font déjà sentir. Pour l’instant, on ne retient que les effets positifs de la baisse du chômage en dépit d’une croissance bien faible. La diminution de la croissance de la population active, permise par l’augmentation des départs en retraite et l’arrivée des classes creuses sur le marché du travail, permet d’afficher de meilleurs chiffres sur le front de l’emploi. En 2004 nous avions déjà écrit, dans « Manager les quinquas », que cette réduction de la hausse de la population active, puis sa baisse à l’horizon 2020, risque de contribuer à affaiblir la dynamique économique. L’emploi crée l’emploi en ce qu’il contribue à l’activité. Mettre sur le côté les salariés âgés ne peut que conduire à un appauvrissement général et à l’augmentation du chômage. L’étude de l’Insee
[1] sur les taux d’emploi selon les régions montre bien que là où le taux d’activité est faible, le chômage est fort. Une autre manière de mettre en exergue l’effet Malthusien de l’éviction des seniors (mais aussi des femmes ou des handicapés).
Par ailleurs la nouvelle donne démographique, va créer des situations divergentes et tendues. Dans certains secteurs (bâtiment, restauration, transport, services de santé) le besoin restera supérieur à la demande conduisant à des sur-coûts, des disparitions d’activités et à la diminution de la qualité du service rendu. Dans d’autres secteurs, c’est l’inverse qui va se produire avec un trop plein de demande par rapport à l’offre d’emploi… Ces divergences de situation se reproduiront de façon croissante entre les entreprises selon leur capacité, ou non, de pouvoir proposer des perspectives de carrière et des conditions d’emploi très favorables.

L’avenir s’écrira en fonction de notre capacité à créer les conditions d’une coopération entre les générations et entre les cultures qui soient équitable et efficace. L’enjeu c’est plus que jamais, le droit à la différence et à l’innovation.
Pour sortir d’une France en pré-retraite, ne faut-il pas cesser de regarder l’âge comme si la société s’était arrêté en 1950 ? Ne faut-il pas en finir avec l’âge comme référence majeure et la retraite comme borne ultime? Ne serait-il pas temps d’assouplir les cycles sociaux ? Laissons à chacun le droit de construire sa vie, de pouvoir arrêter de travailler dès 60 ans ou de continuer après 70 ans, s’il le souhaite….

Serge Guérin

[1] MARCHAND, O. Enquête annuelles de recensement 2004-2006, Insee Première N° 1117, 2007