La notion de transmission convient d’être interrogée sur le plan de l’effet de l’accélération de l’innovation technologique et de l’émergence de nouveaux médias, en particulier le web et ses prolongations.
L’informatique est d’abord entré dans le monde professionnel conduisant en quelques années à une mutation importante de certaines pratiques et rapports sociaux, en particulier dans les activités du tertiaire. La diffusion massive de la micro-informatique a eu pour double conséquence de supprimer des centaines de milliers d’emplois de secrétaires et de dactylos, et de conduire des cadres, y compris de niveau hiérarchique élevé à devoir gérer de façon autonome une large partie d’activité autrefois déléguées. La représentation du statut a, de ce fait, évolué, puisque l’une des attributs symboliques du pouvoir est passé du nombre d’assistantes à la qualité de l’équipement informatique et de communication. Aujourd’hui, dans l’ordre symbolique, le Blackberry a remplacé la secrétaire de direction.
La diffusion massive de l’informatique personnelle a entraîné aussi une transformation des temps sociaux. La séparation entre la sphère privée et la sphère professionnelle est plus perméable qu’auparavant, en particulier parce que les outils communicants peuvent être mobilisés indépendamment du contexte.
La question du rapport de la génération 68 à l’image et aux médias peut être posée.
La transmission du savoir ne tient plus seulement dans le sens traditionnel qui va du plus expérimenté au plus jeune. La modernité évolutive est marquée par une fluidité et une obsolescence croissante des savoirs. L’anthropologue Margaret Mead parle de « culture préfigurative » pour montrer que les adultes peuvent apprendre de leurs enfants ou de personnes plus jeunes. L’informatique et ses dérivés forment le lieu le plus symbolique de cette mutation. Au sein des familles, c’est souvent un enfant qui se transforme en Directeur des services informatiques local… De même dans l’entreprise, de jeunes embauchés peuvent être recrutés à des salaires plus élevés que des ingénieurs chevronnés en raison de leurs connaissances plus fraîches par rapport à certains logiciels.
Fondamentalement les changements dans les relations entre les générations concernent l’émergence de la notion de responsabilité intergénérationnelle et plus largement à la réciprocité entre les générations[1]. Loin des discours idéologiques sur la guerre des générations[2] pointant, à partir d’analyses de cohortes, une classe d’âge de privilégiés face à des jeunes sans avenir, la réciprocité entre les générations se relève dans le cadre des situations de famille ou du voisinage, dont Simone Pennec a mis en avant l’importance, c[3]omme dans celui de l’entreprise. Il importe de prendre la mesure de la formation d’un espace générationnel qui se construit dans un rapport au temps et doit se mesurer qu’a posteriori. Les générations ne se définissent plus nécessairement dans l’instant mais par la comparaison et dans une perspective historique.
[1] Attias-Donfut, Claudine, Rozenkier, Alain, et al, Les Solidarités entre générations : vieillesse, familles, État, sous la dir. de Claudine Attias-Donfut, Paris, F. Nathan, 1995. et Attias-Donfut, Claudine & Lapierre, Nicole, La famille providence, trois générations en Guadeloupe, Paris, La documentation Française,1997.
[2] Chauvel, Le destin des générations, Paris, PUF, 1998.
[3] Pennec, S. (dir.), Le Borgne-Uguen, F., collaboration Guichard-Claudic, Y., Ce que voisiner veut dire, Brest, ARS, Université de Bretagne Occidentale, Fondation de France, 2002.