mercredi 3 novembre 2010

Les métiers du care : l’effet levier du vieillissement

L’étude sur l’emploi publiée fin octobre par la Dares (Dares Analyses, n°69, oct 2010) met en avant que le secteur des services à la personne est l’un des rares domaines professionnel à avoir vu l’offre de travail croître. Sur la période 2003-2009, la hausse de l’emploi se limite à 4% tous secteurs confondus. Mais les écarts sont marquants : l’industrie perd 7 points et l’agriculture 15, alors que le secteur « Santé et Action Sociale, culturelle et sportive » arrive en tête des créations d’emploi avec un gain de 15 points, le domaine des services aux particuliers et aux collectivités connaît une hausse de 11 points. Ce sont les métiers et les activités de l’accompagnement et du service qui prennent une part croissante de l’activité économique globale et des emplois. On notera que ces secteurs sont ceux qui sont le plus genrés : alors que les femmes représentent 47% de la population active, elles comptent pour plus de 60% dans les secteurs où l’emploi est en plus forte croissance. Dans le domaine de la santé et de l’action sociale, le secteur du care et de l’accompagnement par excellence, les femmes représentent même 75% de la population. Au train où vont les choses, d’ici à 10 ans, les femmes seront majoritaires au sein de la population active. C’est déjà le cas au canada où elles représentent 50,6% du total des actifs.
Ce constat facilite la déconstruction du discours commun : loin d’être un handicap, le vieillissement est une chance. D’abord cela témoigne des effets positifs de la recherche médicale, de la prévention et de la mise en œuvre de lois de protection sociale. Ensuite, parce qu’en favorisant une vie plus douce pour les plus fragiles cela profite à l’ensemble de la population (Guérin, L’invention des seniors, Hachette Pluriel, 2007). Enfin, il y a un effet levier en faveur de la création d’activités économiques.
Dans cette perspective, il y a nécessité politique de valoriser de la place des femmes dans la décision et dans la représentation sociale de la société. Cela doit se traduire d’abord par une revalorisation de ces métiers qui restent mal payés, disposent de peu de système de formation et de valorisation et n’ouvrent guère à des politiques de filière et de mobilité. Notons que souvent les premières à effectuer les taches les plus ingrates, les moins gratifiantes, sont les femmes issues de l’immigration. Les aspects économiques et culturels tiennent une place structurante pour expliciter cet état de fait. Ainsi, la norme sociale a toujours dévalorisé les métiers liés au sale jugé dégradant (Vigarello, Le propre et le sale, Seuil, 1985).
La question des services sous l’angle de l’accompagnement bienveillant nécessite de penser de nouveaux droits à destination des personnels et auxiliaires de soins ou d’accompagnement, qui sont aussi majoritairement des femmes, aux revenus modestes et qui ne sont pas toujours bien formées. Une politique du care, dans la définition de ses principes comme dans la mise en œuvre et l’organisation des orientations, implique de revaloriser en priorité la condition sociale et familiale des femmes, de mettre en cause leur situation précaire et instable, dont le temps partiel contraint (déstructurant profondément les modes de vie, les modes de relation familiale) est le signe le plus manifeste.

Serge Guérin