dimanche 6 juillet 2008

La guerre des capitalismes aura (bien) lieu

L’ensemble des acteurs sociaux doivent apprendre à conjuguer le nouveau capitalisme. C’est le thème de l’excellent ouvrage dirigé par Jean-Hervé Lorenzi, La guerre des capitalismes aura lieu (Perrin). Pour les auteurs du Cercle des Economistes, la mondialisation n’a pas unifié le monde mais permis l’émergence de plusieurs formes de capitalismes dont les antagonismes sont cruciaux. En son temps Michel Albert avait montré l’opposition entre les capitalisme rhénan et anglosaxon, C’est le second qui après la chute du mur de Berlin semblait avoir gagné la partie.
Aujourd’hui, les auteurs mettent en avant un affrontement plus lourd entre différentes formes de capitalismes. Si le capitalisme anglosaxon est un vainqueur en trompe l’œil, comme l’explique Hubert Vedrine, il fait face à une forme rénovée et diablement puissante d’alliance entre un entreprenariat débridé soutenu par un Etat fort ,dirigiste et capable de contenir, si besoin par la force, les revendications sociale. La distinction fondatrice tient aux modes de régulations internes à ces capitalismes et aux rapports de force entre les acteurs de ces économies-monde, pour reprendre le terme de Braudel. La question du pouvoir financier, des modes de sa régulation et du poids nouveau des fonds souverains sont mises en perspective. Il y a des oppositions d’intérêt qui sont facteurs de désorganisations dangereuses pour les équilibres sociaux et pour la légitimité des Etats.
L’un des passages les plus passionnants de ce livre dense mais très accessible réside dans le chapitre sur « eau, pétrole, capital humain ». Pour les auteurs, le pouvoir est là. Surtout, l’affrontement autour des sources d’énergie renouvelle le rapport à la rareté. Il y a une « rareté cumulative » où la situation dépend de la politique collective menée par les Etats. A l’inverse, la « rareté concurrentielle » qui pousse individus ou Etats à s’organiser pour remédier à cette dépendance en s’assurant, d’une façon ou d’une autre, l’accès à ces réserves. La rareté e n’est pas seulement liée à des considérations physiques mais à des modes d’organisation de la société, à des choix en amont, ou encore au manque de politique de prévention.
Pour les auteurs, il est impératif de bâtir de nouvelles institutions de régulation à la fois représentatives et en position d’imposer des règles communes minimales (p 12). Le chapitre VIII est, de ce point de vue, très éclairant.
La mondialisation ne nous offre pas un monde pacifié et tourné vers le progrès et le respect de l’humain. Elle ouvre plutôt une période de grande incertitude dont le modèle européen risque d’être la victime.

Serge Guérin