mardi 13 novembre 2007

Confiance en la démocratie et démocratie de la confiance


L’une des conditions nécessaire au développement d’une démocratie de responsabilité concerne la confiance comme postulat de relation entre les acteurs. Une véritable société libérale où la liberté permet un optimum d’équité nécessite un haut degré de confiance entre ses membres.

Alain Peyrefitte, intellectuel ouvert et passionnant et homme politique contrasté, a mis en avant l’importance de la confiance dans la performance d’une société.Une société de confiance fait l’économie du soupçon et de nombreuses rigidités. Pourquoi multiplier les règlements et les bureaucraties si les parties partent d’un a priori de confiance et cherchent par nature le consensus ? Sur le plan économique comme politique, le résultat se chiffre en millions d’euros qui loin d’êtres immobilisés dans les charges de police et de surveillance, de frais juridiques, de vérification et d’administration, peuvent participer au financement de l’innovation technologique et sociale ou de produits et services destinés à améliorer la vie quotidienne.

La société de confiance se situe à l’exact opposé de la société de précaution dont le sommet (du ridicule) fut atteint en 2004, lorsque Jacques Chirac eut la démagogie d’instaurer ce principe en fait constitutionnel. Une société qui a si peu confiance en l’avenir qu’elle estime urgent d’instaurer une camisole de force pour entraver toute initiative de peur de ses conséquences s’inscrit dans un mouvement mortifère. C’est l’inverse qu’il faut faire : parier sur l’avenir, donner leur chance aux innovateurs, accorder le droit à l’expérimentation…

Une société de liberté et de compétitivité se fonde sur le pari pascalien de la confiance. L’étude World Values Survey montre que les Français sont parmi les plus soupçonneux du monde. Très loin des citoyens nordiques dont les performances économiques, sociétales et citoyennes sont sans commune mesure avec les nôtre. Au lieu de regarder notre nombril, de passer notre temps à célébrer notre modèle, il serait bon de prendre des leçons auprès de personnes de confiance.

De ce point de vue, il semblerait que l’une des conclusions de la mission Attali sur la croissance soit de demander la suppression du principe de précaution de la Constitution. Comme quoi, nous ne sommes jamais à l’abri d’une bonne nouvelle !


En finir avec les experts ?

L’un des marqueurs forts des temps actuels s’exprime dans le déni de la compétence, des savoir et de l’expertise. Les médias, au nom de la vérité du public, multiplient ainsi les émissions où la personne de pouvoir fait face à des citoyens lambda. Parfois même, il n’y a plus qu’un animateur et des personnes qui appellent. Comment sont-elles choisies ? Comment leurs discours est-il vérifié ?

D’où vient la compétence kaléidoscopique de l’animateur ? En filigrane, il y a l’idée que les intermédiaires sont finalement des parasites et, pour ce qui concerne les journalistes, des individus qui, consciemment ou non, tendent à travestir le réel et les interrogations des « vrais gens ». Ce discours prolonge aussi le succès idéologique de l’internet qui dès l’origine s’est posé comme un support de la relation directe (le vendeur de fromages de chèvres de l’Ardèche qui, sautant par-dessus les méchants intermédiaires, vend directement sa production aux habitants des villes)

Ségolène Royal a porté loin ce discours en affichant mépris et dédain pour l’expertise et la connaissance au nom de la démocratie participative et de la vérité du jugement de ceux qui sont « en bas ». Finalement, il y a du Raffarin chez la Présidente de la Région Poitou-Charente !

La post modernité, annoncée par Lyotard, dès 1979, dans La condition post-moderne (Minuit), se caractérise bien par une délégitimation des grandes institutions et la fin des «métarécits». Par ailleurs, l’intelligence collective peut produire, en fonction du collectif concerné et de son mode d’organisation, des avancées et des pistes. Pour autant, la mise en cause des savoir, du travail et de l’expertise est aussi une façon de refuser les contre pouvoirs et les visions plurielles.

C’est la porte ouverte à l’appauvrissement de la pensée car l’intelligence des situations n’avance pas de façon linéaire et collective mais par à coup, par des chemins détournés, par les travaux ou les fulgurances de quelques-uns uns.


Les paradoxes du temps


Dans la société liquide, pour reprendre les termes de Zigmunt Bauman (voir La

société assiégée, Editions de l’Aube), le temps devient une valeur centrale. En effet l'univers liquide c'est la mondialisation, avec la rupture du temps géographique et, plutôt que l'absence des frontières (thèse de Friedman dans La terre est plate), une différentiation croissante entre ceux qui peuvent nomadiser de façon légale et rentable et ceux qui voyagent dans les soutes du système en dehors de toutes protection. Pour Bauman, la mondialisation est, tout bien considéré, positive car elle oblige à être inventif. Le temps devient un luxe pour les uns, un manque pour les autres. Avec le développement du capitalisme, le temps a pris une importance croissante et devenu une valeur en soi. Aujourd’hui, le temps devient un moment de notre identité. Rien n’échappe à la notion de temps ainsi des rencontres pour trouver l’âme sœur (Le speed dating) ou pour obtenir un emploi Le portable, les modes de communication numérique, ou encore les moyens de transports sont autant de vecteurs pour gagner du temps, être partout à la fois, multiplier les rencontres. Les effets sont paradoxaux. Ainsi, l’internet offre la possibilité de démultiplier les rencontres ou de s’enfermer dans une forme d’autisme en ligne. Le TGV, qui a réellement bouleversé notre rapport à l’espace, aux temps et même au lien travail-loisir conduit à traverser toujours plus vite des espaces sans rien voir et sans rien comprendre à l’entre-deux. Inversement, je peux prendre du temps (et même en perdre) dans ce no man’s land entre deux points où je devrais avoir un objectif et un statut.

Le rapport au temps, c’est aussi le rapport à l’action. Pierre-André Taguieff a développé le thème du "bougisme", pour exprimer que nos sociétés font l'éloge du changement pour le changement sans toujours réelles perspectives. Les uns veulent que la société bouge pour qu’elle change, les autres veulent le mouvement pour que rien ne change… Mais nous savons aussi que refuser le mouvement lorsque que tout bouge autour de nous, c’est prendre le risque du déclin. C’est reculer que d’être stationnaire, disait Lénine.


Le Compte épargne formation proposé par le Sénat : une idée à suivre


Si l’on prend pour hypothèse que le progrès passe par l’augmentation de la capacité d’autonomie des acteurs, l’enjeu n’est-il pas, à travers des actions volontaristes de soutien à la formation tout au long de la vie, de donner à chacun toutes les chances pour se prendre en charge ? Fondées sur un consensus fort, des politiques de ce type ont été largement soutenues ces dernières années de la Grande-Bretagne à la Scandinavie. Le XXI ème siècle remet au goût du jour John Stuart Mill, un social-libéral avant la lettre, pour qui chacun devait pouvoir avoir les mêmes possibilités de prendre son risque à travers le développement de la formation pour tous. La formation est l’outil qui permet l’égalité des chances. Un principe qui ne saurait se confondre avec celui d’égalitarisme.

Le droit à la formation tout au long de la vie permet de passer d’une logique de la passivité à celle de l’autonomie en ouvrant la possibilité de rebattre les cartes, de reprendre sa chance.

Nous sommes entré dans l’ère de la modernité évolutive en ce que ni les savoir, ni les identités, ni les statuts ne sont figés. La formation tout au long de la vie et le droit à la deuxième carrière s’inscrivent parfaitement dans cette tendance. Ces deux axes sont parfaitement solidaires.

Les sénateurs Carle et Seiller, président et rapporteur de la Mission d’information sur la Formation continue ont proposé, en juillet, de créer le Compte d’épargne formation, L’idée étant d’ouvrir un droit individuel à la formation transférable d’une entreprise à une autre et courant tout au long de la vie. Ce compte pourrait ainsi être utilisé par le salarié entre deux emplois.

L’initiative du Sénat apparaît comme un moment majeur pour favoriser la modernisation du pays et donner une chance aux seniors de poursuivre leur chemin dans l’emploi. Bravo !