lundi 24 décembre 2007

De la fraternité

Notre sainte trinité nationale porte au fronton la jolie devise de Liberté, Egalité et Fraternité. Des mots qui finissent par être vide de sens. Des mots qui n’intéressent plus grand monde. Que signifie cette formule pour un SDF, pour un chômeur longue durée ou pour une caissière exténuée ?

La liberté n’existe pas dans l’absolu. Elle a besoin de contraintes et de limites pour s’exercer. Sans limites, la liberté devient vite loi du plus fort ou oppression des plus virulents.

L’égalité est un mirage. Nous n’avons pas les mêmes atouts au départ de la course et nous ne subissons pas de la même façon les contextes sociaux. Et nous n’avons pas non plus les mêmes envies. John Stuart Mills, penseur libéral du XIXème siècle souhaitait déjà que l’Etat puisse intervenir pour rééquilibrer les inégalités de naissances et de situation. Il s’agissait que chacun puisse avoir les mêmes chances pour concourir, pour faire la course. Est-ce suffisant ? L’égalité se résume-t-elle à donner le même couloir de course pour chacun ? Patrick Savidan, dans Repenser l’égalité des chances (Grasset), propose une nouvelle politique de l’égalité des chances où des mesures fiscales et éducatives tout au long de la vie devraient permettre à ce que chacun puisse se réaliser. Sans espérer faire la même course à la même place.

Et la fraternité ? Belle chose qu’il est impossible de décréter. Il y a une morale de la fraternité. Une obligation à se préoccuper de l’autre. Cette non-indifférence qui est la proximité même du prochain, dont parle Lévinas. Marie-Claude Blais, La solidarité, Histoire d’une idée (Gallimard) s’interroge sur le sens du terme Solidarité. Terme magnifique qui semble aujourd’hui être la demande de tous et le refus de chacun. Je veux que la collectivité soit solidaire mais me laisse tranquille et me demande aucun compte. Or, nous faisons système et nous ne pouvons nous extraire de l’environnement. Nos demandes, nos appels à la solidarité ont des effets sur les autres, sur la marche du système. Et donc sur notre propre avenir.

Si la fraternité est une morale impossible à imposer, sauf à entrer dans un fascisme du bon sentiment, la solidarité suppose de nous accorder sur l’orientation et les priorités de la société que nous voulons construire. Elle implique un lien positif se traduisant par une coopération produisant de l’avantage mutuel. La solidarité responsable est le meilleur chemin de la liberté.

Serge Guérin

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